Everyday pédaler is very important for the glaciers not to melt (a.k.a. P’tit Névé) est un travail pluriel et mouvant, qui s’intéresse aux glaciers alpins, à leur rôle dans les écosystèmes, à leur préservation et au regard que nous, humains, leur portons.

Il est pensé comme une tentative d’art d’attitude durable, action dont la forme se rapproche d’une performance au long court, ayant comme intention d’éprouver l’art au travers de la vie. Projet dont le processus même fait œuvre —fait « histoire », qui veut penser une pratique incluse dans le quotidien et dont l’intérêt artistique se trouve à tout moment de sa création : conception, réalisation, partage…

Les articles ci-contre, du plus récent au plus ancien, témoignent de ce travail en MOUVEMENT.

MES AUTRES TRAVAUX

@malolmao__

Cagnotte participative

Sauts de glaciers (3)

08/10/2023

Ce voyage est le premier que je fais avec la glacière. C’est, dans mon esprit, la première pierre du projet qui consiste à « relier les glaciers ». Pourtant, ce texte ainsi que les quelques autres que je publierai à sa suite ne sont pas tant le récit de cette aventure, mais plutôt celui d’un essoufflement. le témoignage d’un fiasco raconté en direct, vécu comme un retentissant échec. Une impasse trouvée au fond d’un val italien. Une remise en question si importante pour la suite.

De la Thuile au glacier du Rutor

Petit-déjeuner chez Paola : je mange tout. Je ne peux pas m’en empêcher.

Toujours aussi compliqué, le paquetage. Et long. Sur le vélo, mon installation est délicate. Il y a un ordre à respecter pour accrocher les sacs, puis la glacière.

Quelques minutes de vélo à peine. Une jolie montée quand même. J’arrive à la Joux.

Même si son resto-snack sur le bord de chemin est fermé en cette basse saison, Andrea veut bien conserver la glacière jusqu’à demain. Et les pains dans son congélateur.

Je commence à marcher l’esprit tranquille. Marche rapide : tout du moins, c’est ce que je crois. Je mets 3h30 pour arriver au refuge, quand même. Je fais beaucoup de vidéos et de photos. Ça doit être ce qui me ralentit.

La baraque surplombe un grand lac d’altitude, irrigué par les torrents qui dégringolent depuis le glacier, impossible à manquer tant il est omniprésent dans le paysage. Il est 14h. Je déjeunerai plus tard. Sans attendre, je continue ma route. Vers le glacier du Rutor. Comment donc l’atteindre, cet immense dôme blanc ? Je m’engouffre sur un terrain accidenté, mais relativement plat et ouvert. Je tourne en rond, serpente entre les lacs et les rochers. Je repère quelques névés, qui me semblent tout de même peu accessibles. Enfin, au loin, j’aperçois le front glaciaire qui s’avance dans les rochers. Il descend assez bas, là-bas dans le recoin de la vallée.

Mes pas sont prudents à l’approche du glacier. Je marche sur du gravier. Jusqu’à la glace.

Le voir de près, comme ça, devant soi. Ça fait quelque chose déjà. Le toucher. C’est glacé. Un glacé agréable…

Je prends des photos et des vidéos à ne plus savoir quoi en faire. Enfin, je sais bien ce que je vais en faire. Cependant, aucune image ne saurait retranscrire la majesté de cet endroit.

Les torrents d’eau qui s’écoulent de dessous le glacier. Les gouttes, les filets d’eau qui dégringolent. Dans la vallée des lacs, lit du ruisseau fait sentier. Sentier fait ruisseau.

J’active le protocole de récupération du fragment de glace. C’est maintenant. C’est solennel comme instant. À partir de ce moment, c’est un contre la montre permanent qui s’engage.

Le refuge hivernal Albert Deffeyes est fermé ? J’essaie toutes les portes. On m’avait dit qu’il serait ouvert… Il n’en a pas l’air. Personne là-dedans. Oups.

J’appelle Paola. Il est tard. Soleil touche les montagnes. Bientôt, il passera derrière. J’ai une heure et demie pour redescendre. Je cavale. Je n’avais pas vu tous ces raccourcis qui coupent le chemin en travers à la montée. Je les emprunte tous.

À la tombée de la nuit, presque arrivé en bas, je tombe sur Valerio et Maria-Luisa. Deux aventuriers au grand âge, et au grand sourire. On discute en continuant de descendre. Beaucoup plus tranquillement, maintenant. Ils ont dormi au refuge la veille. Eux aussi ont failli redescendre bredouille. Mais quelqu’un leur est venu en aide : finalement, il aurait suffi de tirer un peu plus fort sur la porte… Je le saurai pour la prochaine fois…

C’est agréable. Je courais pour avoir une chance de récupérer la glacière chez Andrea ce soir, et ne pas avoir à remonter à la Joux demain matin… Mais, rencontrer ce vieux couple d’Italiens baroudeurs, ça me détend. Valerio est bavard. Alors j’écoute. Alta Vale di Sale. Lemon. Les Dolomites. Il me confie leurs prochains plans d’excursions. Je leur partage mon aventure. « Beautiful » dice Maria-Luisa…

Retour au Cloux, chez Paola. Je suis content de prendre une douche et de retrouver le lit —le même que la veille. Tout de même un peu déçu de ne pas avoir pu rester là-haut.

Il va vraiment falloir trouver un bon sponsor si je m’habitue aux nuitées en gîte.